EXCES DE JUSTICE

Jimmy songeait que l’univers était devenu bien compliqué pour qui s’évertuait, après tant d’années passées à jouir d\’errances, de rapines et de prison, a entrer à toute force dans l’étroit carcan de la droiture et de l’honnêteté,

Sorti de prison à la fin de l\’hiver, la Prochaine arrivée du printemps avait sonné dans son âme blasée comme un espèce de tocsin salvateur, ou bien était ce tout simplement l’âge venu qui le poussait ?

Jimmy avait réuni son courage, son meilleur costume et ses économies puis s\’était mis en devoir de faire le parcours du combattant de l\’auto entrepreneur et réunir les aides, exonérations, autorisations, cautions, provisions, seings et contreseings nécessaire à l\’ouverture d\’un petit burger\’s restaurant à côté du lycée.

Ca s\’est appelé \ »oh mon pays\ » et ma foi, ça a marché plutôt pas mal …

Enfin, ça c\’était avant !

Avant qu\’une obscure machine issue d’une des administrations qu’il avait visité pour l\’ouverture de son restaurant ne fricotte avec un ordinateur du ministère de la justice….

C\’est ainsi que Jimmy reçut promptement la visite empressée d\’une escouade de flics venue lui notifier l\’obligation de fermer son Resto au vu les dispositions de l article L 3336-2 alinéa 2, Paragraphe 2 du Code de la Santé Publique,

En effet, aux termes de ce texte, « ne peuvent exploiter des débits de boissons à consommer sur place les personnes condamnées (…) à un mois au moins d\’emprisonnement pour (…) infraction aux dispositions législatives ou réglementaires en matière de stupéfiants ».

Jimmy apprit alors à ses dépens que la loi avait pris le soin imbécile de prévoir que quiconque avait écopé d\’une condamnation pour des faits liés aux stupéfiants ne pouvait exploiter ni même simplement travailler dans un restaurant.

Pendant cinq années !

La raison d\’une telle interdiction ?

A vous de la trouver ! En fait il n y en a aucune …

C\’est ainsi que Jimmy perdit son affaire, et dans le même temps son appartement Sa fiancée et ses rêves de gloire. C\’est ainsi qu\’il perdit tout.

Un matin d\’été il comprit que la société française ne lui donnait dans l\’immédiat comme opportunité de réinsertion que le droit de tendre la main, et ravalant sa honte il s\’est placé a un carrefour et s\’est mis à mendier

Il pourra à l\’automne choisir aussi le plan B consistant à comment d\’autres délits pour être de nouveau logé nourri en prison

C \’est triste me direz vous ? Il y a pire : entre temps et alors que Jimmy était en train de se clochardiser, les machines entrèrent encore en branle et crachèrent un petit matin un avis sur le bureau d\’un zèlé parquetier : Jimmy avait tout de même finalement tenu ouvert son restaurant une bonne quinzaine de jours !

Scandale !

Infraction !

Procédure !

La Loi, très maligne, a prévu que toute infraction à cette interdiction d\’exploiter un débit de boissons constitue une infraction autonome et est punie au maximum de 3 750 euros d\’amende.

Les flics réussirent à retrouver Jimmy sur son trottoir et lui notifièrent une convocation devant le tribunal correctionnel pour avoir osé essayer de se réinsérer.

Il a finalement écopé de 50 euros d\’amande, de la bouche d une Magistrate qui n’avait certainement aucune idée des heures d\’abnégation qu’il fallait passer à tendre la main pour réunir une telle somme

Quant à moi, connaissant le pouvoir de classement du parquet, si souvent curieusement employé, j’ai envie de dire au Procureur qui a eu le triste courage de poursuivre un tel homme pour une telle infraction : j\’espère ne pas être le seul à avoir honte du résultat de l\’application aveugle d\’une loi imbécile.

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