Le procès de l’attentat du « City of Poros »

Plaider devant la Cour d’Assises spécialement composée en matière de terrorisme est une expérience unique pour un Avocat et je remercie mes clients qui m’ont confié la délicate tache de faire valoir leurs droits dans l’affaire dite du « City of Poros ».

Les personnes victimes d’actes terroristes souffrent d’un préjudice exceptionnel (qui a d’ailleurs été reconnu comme tel par la Loi) semblable à celui dont souffrent les vétérans.

Il faut imaginer cette journée caniculaire du 11 Juillet 1988, ces touristes insouciants à la recherche d’un peu d’air, achetant une croisière d’une journée … Hydra… Poros … Hejine…

Devant la Cour d’Assises, et 23 ans après, le temps, pour eux ne s’était pas écoulé lorsqu’ils ont raconté cette journée d’un été grec, la brise sur la mer et la houle légère, les escales dans les villages tous blancs et le déjeuner sur la plage …

A 18h30, le passager affable avec qui l’on a discuté prend un fusil mitrailleur et arrose la foule de touristes, jette une grenade et une bombe incendiaire tire encore quelques rafales, avant de disparaitre pour toujours, avec ses trois complices, évaporés dans les voiles épais des relations internationales et des barbouzeries de la fin du 20eme siècle…

L’affaire du City of Poros vient de commencer et va se placer sous le signe du mensonge d’Etat.

Celui de la Grèce tout d’abord, Etat voyou, lâche et opportuniste qui va tenter de faire endosser odieusement la responsabilité du crime à un français mort dans l’attentat, au mépris de la vérité la plus criante.

La Grèce ne s’excusera jamais et n’entamera jamais aucune procédure judiciaire à la suite de cet attentat commis sur son sol…

Celui de la France ensuite qui va saborder l’issue du dossier dans l’interminables et inadmissibles atermoiements.

L’instruction est achevée en 2001 et il faudra attendre 2012 pour comparaitre devant la Cour d’Assises … Onze années d’intolérables et injustifiables chassés croisés de commissions rogatoires internationales dont la DST n’a vraisemblablement jamais donné les véritables résultats aux magistrats mandants, entrecoupés de mois et d’années durant lesquelles les dix tomes du dossier City Of Poros dormaient d’un sommeil profond au fond de quelque armoire du Palais…

Encore faut il ajouter que la cohorte de victimes de cet attentat ont été purement et simplement abandonnées par la France après avoir été déshonorées par la Grèce puisque la plupart d’entre elles n’ont absolument jamais été avisées de quelque façon que ce soit de l’évolution de la procédure autrement que par une convocation lapidaire reçue 23 ans après les faits, d’avoir à se présenter à l’audience parisienne !
Cette audience, placée sous le signe de l’archéologie, a déroulé au fil des heures, ce qu’était cette époque, aujourd’hui révolue, où le Groupe Abou Nidal terrorisait l’Europe, protégé par des Etats dirigés par des dictateurs aujourd’hui disparus.

Ce procès n’est pour autant ni inutile ni dépourvu de sens.

Sans doute va-t-il montrer que la Justice Française ne lâche jamais prise et qu’au delà des difficultes et des dysfonctionnements – et même de ses propres dysfonctionnements donc il faudra bien que l’Etat rende compte – elle va jusque au bout de la logique d’une instruction criminelle et condamne les personnes reconnues responsables des faits.

Surtout, et du reste cela est suffisant, ce procès rend justice à ces touristes hébétés, hagards, couverts de débris et de sang qui débarquent sur le port du Pirée le 11 Juillet 1988 au soir, qui viennent d’échapper à la mort, pour certains de façon pratiquement miraculeuse, et qui ne savent pas encore qu’il leur faudra 23 ans pour que le cauchemar prenne fin.

 

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