LIQUIDE INSALUBRE

Louis est très ennuyé.

Il a pris rendez vous avec moi après avoir été verbalisé par la police pour avoir déversé un liquide insalubre sur la voie publique.

Il s’agit d’une contravention contenue dans le Code de l’Environnement dont je ne peux faire l’économie de vous en livrer la lettre :

Art. R. 633-6.-« Est puni de l\’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe le fait de déposer, d\’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l\’exception des emplacements désignés à cet effet par l\’autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu\’il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation. »

Cette infraction, dont les peines ont été aggravées en 2015 vise clairement les pollueurs, la référence aux ordures, déchets et autres matériaux étant transparente.

Mais pas uniquement.

Le législateur a voulu dans cette incrimination, punir ceux – et celles moins nombreuses – qui urinent sur la voie publique « sans que la personne ayant la jouissance du lieu ait donné son autorisation », on ne sourit pas s’il vous plait ça n’a rien de drôle.

Attardons nous un instant sur la question des déjections dont tous les dictionnaires nous expliquent qu’elles ont un étroit rapport avec la défécation, et Wikipédia convoque même Baudelaire « Contemplons un de ces êtres mystérieux, vivant pour ainsi dire des déjections des grandes villes », bref en un mot comme en cent il est interdit de faire caca sur la voie publique.

Mes lecteurs étant fins juristes, il ne leur a pas échappé que de tels agissements constitueraient aussi le délit d’exhibition sexuelle, et que les contraventions étant des infractions matérielles, le principe de non cumul des peines ne s’appliquerait pas en sorte que le chieur écoperait de l’amende contraventionnelle en sus de la peine délictuelle encourue pour l’exhibition.

Mais je m’écarte du sujet, il faut bien en venir à ce liquide insalubre répandu sur la voie publique par mon contrevenant.

Insalubre : Qui est malsain, nuisible à la santé nous explique benoîtement le Larousse.

Mais alors, nuisible à la santé, ça veut techniquement dire quoi ? Dommageable, funeste, malheureux, néfaste, attentatoire, nocif, exterminateur, calamiteux, préjudiciable précise le dictionnaire.

Bon je vais alors commencer par mettre un de ces atroces masques que les japonais affectionnent tant de porter pour ne partager leurs microbes avec personne.

Je vais inventer quelque chose pour ne pas lui serrer la main à celui là.

Et si je demandais à ma collaboratrice de le recevoir à ma place ? Apres tout, si elle choppe la lèpre je la virerais, alors que si c’est moi qui suis chtouillé, j’aurais bonne mine, et pour une simple contravention en plus, on fait vraiment un métier compliqué.

Allez, cher Monsieur, expliquez moi votre problème. Quelle atrocité avez-vous donc répandue dans la bonne ville de Carmaux à une heure du matin à l’angle de la rue Augustin Malroux ?

Et Louis s’explique, c’est bref comme un jet de salive, et d’ailleurs exactement, c’est juste pour cela que la maréchaussée à l’affut de la tranquillité publique jusqu’au cœur de la nuit carmausine qui sent encore le halètement de la mine et la silicose, l’a verbalisé.

Il a craché le misérable.

Et sur le trottoir de la rue Augustin Malroux en sus (pour les incultes, homme politique et résistant français, né le 5 Avril 1900 à Blaye-les-Mines, dans le Tarn donc, et mort en déportation le 10 Avril 1945 au camp de concentration de Bergen-Belsen).

Juste craché !

Je n’invente rien, juré craché, oups, non pas craché !

Mais alors la salive serait insalubre ?

Le dictionnaire, décidément personnage principal de ce post – avec le mollard ! – m’apprend que la salive est un liquide sécrété par les glandes salivaires, destiné à humidifier les muqueuses de la bouche et à commencer la digestion des aliments.

Son composant principal est l\’eau (à 99 %), mais la salive comporte aussi des ions (sodium, potassium, chlorure…) et des éléments organiques. Ainsi, elle contient de l\’urée, du glucose, des hormones, de l\’ARN, et de nombreuses protéines, notamment des enzymes digestives (amylase, lipase). Bref que du bon !

Ajoutons, bien que cela soit superfétatoire dans ce propos, que la sécrétion quotidienne varie suivant les individus entre 500 et 1.200 millilitres et s\’effectue par acte réflexe, par contact avec des aliments, suite à une odeur ou à un souvenir…

Il n’y a donc absolument rien d’insalubre dans la salive, et pourtant : 68 euros !

68 euros pour un crachat, ça rigole pas en France.

Dans tous les cas, une chose est sure, à l’heure où j’écris ces lignes, c’est que ça va se plaider avec une âpreté inversement proportionnelle à l’importance du litige !

Tiens, d’ailleurs, si des confrères veulent se joindre à moi, on peut sans doute tenir plusieurs heures sur la question, histoire de leur montrer qu’en défense pénale non plus, ça rigole pas !

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